Blog

Naviguer avec les droits des peuples autochtones

L’Organisation internationale du Travail collabore avec les peuples autochtones des régions les plus reculées du Bangladesh pour mieux faire connaître leurs droits et faire en sorte que les voix des femmes et des hommes autochtones soient entendues par rapport aux défis auxquels leurs communautés sont confrontées.

Editorial | 9 août 2019
Alexius Chicham (Coordinateur national du projet)
Il a fallu 11 heures pour faire 400 kilomètres depuis Dhaka, la capitale du Bangladesh, afin d’atteindre la communauté autochtone isolée des Bom qui vivent sur l’étonnant territoire de Chittagong Hill Tracts. Dès mon arrivée dans leur village, j’ai été frappé par leur culture et leur mode de vie uniques – ainsi que par les défis auxquels ils sont confrontés, à des kilomètres des services de base, dans un territoire où manquent les infrastructures essentielles et les opportunités d’emploi décent.

Les Bom sont l’une des seize communautés auxquelles j’ai rendu visite ces deux dernières années dans le cadre de mon travail sur le projet du Navigateur autochtone – une initiative qui fournit aux communautés autochtones les outils et les données dont elles ont besoin pour vérifier le niveau de reconnaissance et de mise en œuvre de leurs droits. Mon rôle a été de les sensibiliser aux droits des peuples autochtones dans le contexte des Objectifs de développement durable – les objectifs mondiaux fixés par les Nations Unies pour un avenir meilleur et plus durable pour tous. J’ai également aidé ces communautés à améliorer leur capacité à rassembler des données – grâce à des consultations de la communauté – sur leurs propres priorités, leurs perceptions et leur compréhension des droits des peuples autochtones et du développement durable.

C’était des opportunités exceptionnelles d’expliquer les ODD à ces communautés historiquement marginalisées. Cela a également permis de faire entendre les voix des femmes et des hommes autochtones. En apprenant ce que sont les ODD et leurs droits, les communautés peuvent mieux évaluer leur situation et exprimer leurs besoins par le biais de données établies par la communauté. Cette approche innovante est au cœur du projet Navigateur autochtone, que je mets en œuvre au Bangladesh en collaboration avec la Kapaeeng Foundation, avec le soutien de l’Union européenne.

Les communautés autochtones se sont beaucoup investies et ont rassemblé une large palette d’informations sur des questions comme la participation à la vie publique, les libertés et droits fondamentaux, l’accès aux terres, aux territoires et aux ressources naturelles, l’accès à la justice, à l’emploi et à des métiers, à l’éducation, et à la santé. Avant notre formation et nos conseils, la plupart de ces communautés autochtones ignoraient leurs droits, les prestations auxquelles elles avaient droit ou les ODD.

Elles nous ont également beaucoup appris – sur l’impact du changement climatique par exemple, qui a des conséquences sur la disponibilité de la nourriture, des ressources naturelles et de leurs moyens de vivre grâce à l’agriculture. Le changement climatique met également en danger leurs traditions et leurs cultures. Parce que les savoirs traditionnels et les métiers dépendent de l’accès aux terres et aux ressources naturelles.

Grâce au projet, les communautés autochtones ont pu contacter les institutions gouvernementales à différents niveaux – notamment par le biais d’ateliers organisés par l’OIT qui rassemblaient les gouvernements, et les représentants des travailleurs et des employeurs.

A la suite de cela, le gouvernement s’est rendu compte que les données exceptionnelles rassemblées par les communautés autochtones peuvent l’aider à combler les lacunes de ses politiques. Le gouvernement commence également à comprendre la nécessité d’améliorer la visibilité des femmes et des hommes autochtones dans les données officielles. Le bureau des statistiques du Bangladesh cherche maintenant à inclure 50 communautés autochtones dans les recensements de population.

Actuellement, les peuples autochtones sont encore confrontés à de nombreux défis au Bangladesh, mais un processus important a été initié pour établir un lien direct entre les ODD et les personnes qui risquent le plus d’être laissées de côté. Grâce au Navigateur autochtone, les communautés connaissent dorénavant la valeur du travail décent, et savent qu’ils ont des droits et que leurs voix sont importantes. Le Bangladesh n’a pas encore ratifié la convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, qui établit les droits des communautés autochtones. On reconnaît toutefois de plus en plus le rôle joué par les peuples autochtones pour atteindre les Objectifs de développement durable. A l’heure où nous célébrons le centenaire de l’OIT et le 30e anniversaire de la convention n° 169, nous nous efforçons de nous assurer de la visibilité des communautés autochtones et de leur participation active à l’élaboration d’un avenir durable au Bangladesh.