Les emplois atypiques

Améliorer la qualité des emplois atypiques pour aider les femmes

L’emploi atypique n’est pas réparti uniformément sur l’ensemble du marché du travail. Les femmes sont plus susceptibles d’occuper un emploi atypique que les hommes, surtout un emploi à temps partiel.

Editorial | 19 décembre 2016
Mariya Aleksynska
GENÈVE (OIT Infos) – Si les femmes représentent moins de 40 pour cent de l’emploi total, à l’échelle mondiale, leur proportion parmi les employés travaillant à temps partiel est de 57 pour cent. En 2014, plus de la moitié des femmes travaillaient à temps partiel aux Pays-Bas et en Suisse; elles sont aussi très nombreuses en Inde, au Mozambique et au Zimbabwe, illustrant la forte incidence du sous-emploi et du travail occasionnel dans les pays en développement à faible revenu (figure 1). Les femmes sont aussi plus présentes dans les emplois à horaires de travail très courts (moins de 15 heures par semaine).

Figure 1. Distribution du travail à temps partiel (moins de 35 heures par semaine) entre salariés hommes et femmes, 2014




Note: Carte du haut: salariés hommes; Carte du bas: salariées femmes. Les données correspondent à l’année 2014 ou à l’année disponible la plus proche sur la période 2014-2011.
Source: OIT (2016a) à partir d’ILOSTAT

Le récent rapport de l’OIT sur l’emploi atypique donne quelques explications à la disparité entre hommes et femmes dans le travail à temps partiel. Parmi elles, figurent le rôle traditionnel des femmes en tant que prestataires de soins, des cadres institutionnels différents, le poids relatif des secteurs économiques, ainsi que la ségrégation professionnelle. Comme le secteur des services est davantage fondé sur le travail à temps partiel et emploie plus de femmes, son expansion va probablement perpétuer la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel. La plus forte présence de femmes dans les emplois à horaires très courts est aussi liée à leur présence dans des professions qui recrutent habituellement à la demande. En Italie, 60 pour cent des employés du secteur de l’hôtellerie et de la restauration sont employés à la demande. Au Royaume-Uni, près de 30 pour cent des contrats zéro heure se trouvent dans l’éducation, la santé, l’administration publique, l’hôtellerie et le commerce de détail.

Les femmes sont parfois surreprésentées dans les emplois temporaires. Au Japon, les femmes sont quatre fois plus susceptibles que les hommes d’occuper un emploi temporaire. Dans la République de Corée, les femmes représentent 52 pour cent de l’emploi temporaire. Au Brésil et en Afrique du Sud, le travail temporaire est aussi plus fréquent chez les femmes que chez les hommes, tandis que la situation est inversée en Argentine et en Indonésie. Cette forte présence féminine dans le travail temporaire a plusieurs causes: les réformes visant à libéraliser l’usage des contrats à durée déterminée dans le but de faciliter la participation accrue des femmes au marché du travail; le plus faible pouvoir de négociation des femmes les rend plus susceptibles d’accepter un emploi moins bien rémunéré et moins stable; la perception selon laquelle les femmes dépendent en partie du revenu familial et donc moins du travail salarié.

Le travail temporaire et le travail à temps partiel ont accru le taux d’activité des femmes et, dans certains cas, leur ont permis d’intégrer la population active. Néanmoins, il est important que le travail atypique soit un choix délibéré et qu’il soit de qualité équivalente aux emplois typiques. A l’échelle mondiale, plus de femmes que d’hommes déclarent être sous-employées – ce qui veut dire qu’elles souhaiteraient travailler davantage mais ne le peuvent pas. Beaucoup d’emplois très rémunérateurs ne se sont pas accessibles à temps partiel, et les femmes qui souhaitent travailler à temps partiel doivent parfois rétrograder vers une profession moins qualifiée. Le travail temporaire ou à temps partiel contraint se traduit par des salaires plus faibles et plus imprévisibles; des possibilités de formation et des perspectives de carrière réduites; et de plus forts risques de discrimination au travail, ce qui exacerbe les inégalités sur les marchés du travail.

Des horaires insuffisants ou un travail précaire peuvent aussi se traduire par des cotisations de sécurité sociale insuffisantes, ce qui rend les femmes plus vulnérables que les hommes face au chômage, aux problèmes de santé et à la retraite. En revanche, le travail à temps partiel choisi peut équivaloir à des salaires horaires plus élevés (comme c’est la cas dans certains pays d’Amérique latine). Dans les pays où prévaut l’égalité de traitement entre travailleurs à temps partiel et à plein temps, et où il est facile de passer de l’un à l’autre grâce à la loi ou dans le cadre de conventions collectives, le travail à temps partiel est généralement de meilleure qualité et souvent très recherché par les femmes comme par les hommes. C’est le cas aux Pays-Bas.

Faire du travail à temps partiel un travail décent suppose d’adopter certaines politiques. Une première étape essentielle consiste à garantir l’égalité de traitement entre les travailleuses et les travailleurs atypiques et les travailleurs typiques, sur la base du pro rata. L’instauration d’une durée de travail minimale et la limitation de la variabilité des horaires peuvent être d’utiles garde-fous pour les travailleurs occasionnels, à la demande ou à temps partiel. Les politiques d’appui au passage du travail à plaen temps au temps partiel et vice-versa doivent être les bienvenues.

Les pays peuvent aussi adapter leurs systèmes de protection sociale afin de supprimer ou d’abaisser les seuils sur la durée du travail, les revenus ou la durée d’engagement minimaux de manière à ne pas exclure les femmes occupant un emploi atypique, ou assouplir les régimes en ce qui concerne les cotisations ouvrant droit aux prestations. Ces politiques peuvent aussi s’accompagner d’une promotion de régimes fiscaux qui favorisent le deuxième revenu du ménage, d’un meilleur équilibre entre travail et responsabilités familiales pour les femmes et pour les hommes, grâce à la protection de la maternité et la mise à disposition de services publics de garde adaptés.

Par Mariya Aleksynska, économiste de l’OIT, spécialiste du marché du travail