Etude de l’OIT

La protection de la maternité: bénéfique pour les travailleurs et pour les petites entreprises

La protection de la maternité et les mesures visant à concilier vie familiale et vie professionnelle peuvent avoir des effets positifs pour les petites et moyennes entreprises (PME), selon Laura Addati, spécialiste de l’OIT.

Editorial | 20 octobre 2014
Laura Addati, ILO Maternity Protection and Work–Family Specialist
GENÈVE – Pour la plupart des gens, avoir un enfant est un événement heureux et stimulant. Mais soyons honnêtes, cela peut être source de discrimination à l’encontre des femmes.

Prenez l’exemple de Noemi, jeune femme de 26 ans, dont le contrat n’a pas été renouvelé quand elle a dit à son employeur qu’elle était enceinte. La perte de son emploi, surtout en cette période de récession économique, a eu un impact considérable sur le revenu du ménage et sur sa santé mentale.

L’histoire de Noemi est hélas bien trop courante. La protection de la maternité est encore souvent perçue comme un fardeau financier qui mine la compétitivité des entreprises, en particulier celle des petites et moyennes entreprises (PME).

Des raisons peuvent l’expliquer. Un rapport de l’OIT sur la maternité et la paternité au travail, publié en mai dernier, montre que 25 pour cent des 185 pays étudiés ont encore des lois rendant obligatoire pour les employeurs individuels de financer la totalité des prestations en espèces liées au congé maternité. Dans 16 autres pour cent des pays, les employeurs ne paient qu’une partie des prestations maternité.

Ensuite, dans certains pays, la réglementation exempte les PME d’appliquer les droits concernant la protection de la maternité. Cela s’appuie sur la présomption qu’elles n’auront pas les moyens de payer.

La perception de la maternité comme un coût pour les entreprises est encore renforcée par des normes culturelles selon lesquelles le travailleur idéal doit être disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et que l’engagement des femmes au travail décline quand elles sont enceintes ou deviennent mères.

Des bénéfices pour les deux parties


Une nouvelle étude dirigée par les départements de l’OIT des Conditions de travail et de l’égalité et des entreprises , menée par l’Université britannique du Middlesex – Maternity protection in SMEs: An international review (La protection de la maternité dans les PME: revue internationale) – soutient que la protection de la maternité n’est pas seulement réalisable pour les PME, mais qu’elle peut être bénéfique aussi bien pour les entreprises que pour la société dans son ensemble. C’est primordial puisque les femmes représentent une proportion importante de la main-d’œuvre des PME, surtout dans le secteur des services.

Les avantages de la protection de la maternité sont multiples et sont encore plus prononcés dans les entreprises qui fonctionnent avec un petit nombre d’employés. Par exemple, avec des mesures adéquates de protection de la maternité et des mesures destinées à concilier travail et vie familiale, les membres du personnel de ces sociétés ont tendance à rester dans la même entreprise, ce qui permet d’économiser sur les coûts de recrutement. L’absentéisme est également réduit puisque les employés se sentent plus motivés et impliqués.

Mais pour que la parentalité devienne «un fait normal de la vie de l’entreprise», nous avons besoin de nouvelles politiques qui prennent en compte les caractéristiques et les besoins spécifiques des PME. En particulier, ces réglementations devraient inclure des lois et politiques nationales qui protègent la maternité et favorisent l’équilibre entre travail et vie familiale à un coût nul ou minimal pour les employeurs, et y associer des mesures de soutien ciblées.

Comment procéder?


Premièrement, il est crucial que le congé maternité soit financé par une assurance sociale obligatoire ou des fonds publics. Il y a quelques années, les PME d’Australie et de Californie ont exprimé des réserves particulières quant au coût des nouvelles règlementations adoptées en matière de maternité. Pourtant, quelques années après l’entrée en vigueur de la législation, une majorité d’employeurs en est satisfaite.

Même quand les prestations maternité sont financées par l’assurance sociale, cela ne veut pas dire qu’elles soient financièrement neutres pour les employeurs. Une aide financière et d’autres mesures incitatives pourraient être particulièrement utiles pour les petites sociétés. C’est le cas, par exemple, quand l’évaluation des risques professionnels exige que les travailleuses enceintes disposent d’un conge payé supplémentaire en raison des problèmes de santé et de sécurité – et pour le coût que représentent le recrutement et la formation d’un nouvel employé. Au Mexique, le gouvernement subventionne le régime d’assurance maternité en plus des cotisations salariales et patronales. C’est une bonne méthode pour protéger les employées aux revenus modestes ainsi que les employeurs des PME.

Les gouvernements pourraient aussi aider les PME à faire face aux coûts indirects en simplifiant les procédures administratives ou en les aidant à gérer d’éventuels manques de trésorerie quand les prestations sont remboursées a posteriori par l’Etat ou la sécurité sociale. Par exemple, au Royaume-Uni, les petites entreprises déduisent de leurs impôts les allocations de maternité obligatoires. Quand les taxes sont inférieures aux prestations en espèces, les sociétés peuvent demander le financement anticipé des allocations de maternité. En outre, les employeurs moyens ou grands peuvent demander la prise en charge sur fonds publics de 92 pour cent du salaire de leurs employées, tandis que les petits employeurs ont droit à 103 pour cent de ce montant.

D’autres mesures d’appui pourraient consister à communiquer des informations aux employeurs sur les dispositions juridiques et comment les respecter, ainsi que des conseils pratiques pour remplacer les employés en congé parental et pour accompagner leur retour au travail. D’autres astuces peuvent concerner des pratiques professionnelles innovantes avec les nouveaux parents et leurs équipes de travail.

Les organisations d’employeurs et des travailleurs ont aussi un rôle décisif à jouer pour informer leurs membres de leurs droits et responsabilités, pour leur proposer une formation, diffuser les bonnes pratiques et mesurer leurs gains de productivité.

Coût nul et bénéfices élevés


L’étude de l’OIT montre que certaines mesures de protection de la maternité peuvent être mises en œuvre pour un coût modeste ou nul. Encourager l’allaitement au travail est un bon exemple de dispositif «gagnant-gagnant» pour les employeurs comme pour les travailleurs. Les PME peuvent en tirer des bénéfices directs, grâce à une rétention accrue du personnel et un engagement plus fort du personnel, et indirects grâce aux avantages clairement établis de l’allaitement pour la santé des femmes et de leurs enfants.

Enfin, le rapport souligne qu’il faut mener davantage de recherches de qualité sur les effets des dispositifs de protection de la maternité dans les PME, en particulier dans les pays en développement où un grand nombre de PME opèrent dans l’économie informelle et où la majorité des femmes ne dispose d’aucune protection de la maternité.

Cependant, les prestations de maternité sont aussi limitées dans les pays à hauts revenus. Cela est en partie dû au fait que de plus en plus de travailleurs disposent de contrats de travail à temps partiel, occasionnels ou temporaires et sont donc moins susceptibles d’être admissibles aux droits protégeant la maternité. A cela s’ajoutent des preuves toujours plus nombreuses d’une discrimination liée à la grossesse et à la maternité, en particulier quand beaucoup d’entreprises se battent pour leur survie en période de ralentissement économique.

Les recommandations de l’étude ont pour objectif de faire reculer les inconvénients liés à la maternité afin que les femmes comme Noemi, où qu’elles soient dans le monde, puissent devenir mères tout en préservant leurs moyens de subsistance, leur dignité et leur capacité à subvenir aux besoins de leur famille.